Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/41

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connaissance de la vie, je la juge supérieure. Je ne lui ferai grâce d’aucun éloge. Elle danse avec une éloquence qui est irrésistible. Elle parle comme elle danse et elle chante comme elle parle. Qu’elle ait un joli visage, je suppose que vous n’en doutez pas ; et si vous voyiez ce qu’elle cache, vous diriez que même sa bouche… Mais il suffit. Ai-je tout dit ? »

André, agacé, ne répondit pas.

Don Mateo lui saisit les deux manches de son veston, et scandant par une secousse la moindre de ses paroles, il ajouta :

« Et c’est la pire des femmes, Monsieur, Monsieur, entendez-vous ? C’est la pire des femmes de la terre. Je n’ai plus qu’un espoir, qu’une consolation au cœur : c’est que le jour de sa mort, Dieu ne lui pardonnera pas. »

André se leva :

« Néanmoins, don Mateo, moi qui ne suis pas encore autorisé à parler de cette femme comme vous le faites, je n’ai aucun droit de ne pas me rendre au rendez-vous qu’elle m’a donné. Ai-je besoin de vous répéter que je vous ai fait une confidence et que je regrette d’interrompre les vôtres par un départ prématuré ? »

Et il lui tendit la main.


Mateo se plaça devant la porte :

Écoutez-moi, je vous en conjure. Écoutez-