Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/42

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moi. Il n’y a qu’un instant, vous me disiez encore que j’étais un homme d’excellent conseil. Je n’accepte pas ce jugement. Je n’en ai pas besoin, pour vous parler ainsi. J’oublie aussi l’affection que j’ai pour vous, et qui suffirait bien, cependant, à expliquer mon insistance…

— Mais alors ?…

— Je vous parle d’homme à homme, comme le premier venu arrêterait un passant pour l’avertir d’un danger grave et je vous crie : « N’avancez plus, retournez sur vos pas, oubliez qui vous avez vu, qui vous a parlé, qui vous a écrit ! Si vous connaissez la paix, les nuits calmes, la vie insouciante, tout ce que nous appelons le bonheur, n’approchez pas Concha Perez ! Si vous ne voulez pas que le jour où nous sommes partage votre passé d’avec votre avenir en deux moitiés de joie et d’angoisse, n’approchez pas Concha Perez ! Si vous n’avez pas encore éprouvé jusqu’à l’extrême la folie qu’elle peut engendrer et maintenir dans un cœur humain, n’approchez pas cette femme, fuyez-la comme la mort, laissez-moi vous sauver d’elle, ayez pitié de vous, enfin ! »

— Don Mateo, vous l’aimez donc ? »


L’Espagnol se passa la main sur le front et murmura :

« Oh ! non, tout est bien fini. Je ne l’aime ni ne la hais plus. La chose est passée. Tout s’efface…