Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/50

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deux religieuses, trois étudiants, une gitane et un garde civil. C’était, comme vous le voyez, un public mêlé. Tous ces gens parlaient à la fois et sur le ton le plus aigu. Je n’étais pas assis depuis un quart d’heure et déjà je connaissais la vie de tous mes voisins. Certaines personnes se moquent des gens qui se livrent ainsi. Pour moi, je n’observe jamais sans pitié ce besoin qu’ont les âmes simples de crier leurs peines dans le désert.

Tout à coup le train s’arrêta. Nous passions la Sierra de Guadarrama, à quatorze cents mètres d’altitude. Une nouvelle avalanche venait de barrer la route. Le train essaya de reculer : un autre éboulement lui barrait le retour. Et la neige ne cessait pas d’ensevelir lentement les wagons.

C’est un récit de Norvège, que je vous conte là, n’est-il pas vrai ? Si nous avions été en pays protestant, les gens se seraient mis à genoux en recommandant leur âme à Dieu ; mais, hors les journées de tonnerre, nos Espagnols ne craignent pas les vengeances soudaines du ciel. Quand ils apprirent que le convoi était décidément bloqué, ils s’adressèrent à la gitane, et lui demandèrent de danser.


Elle dansa, C’était une femme d’une trentaine d’années au moins, très laide comme la plupart des filles de sa race, mais qui semblait avoir du feu entre la taille et les mollets. En un instant, nous