Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/110

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« Il chiffonna un papier qu’il jeta dans une corbeille, s’assit, et, se retournant soudain vers moi :

« — Alors vous allez me donner tout de suite un renseignement dont j’ai besoin. De quoi se composait le mobilier de votre chambre à coucher lorsque vous êtes entrée à l’Opéra comme petite danseuse ?

« — Petite danseuse ! m’écriai-je révoltée. Mais monsieur, je n’ai jamais été petite danseuse ! je suis philosophe fichtiste.

« Furieux, il frappa de nouveau le bois du meuble :

« — Mademoiselle, je vous répète que cette facétie est déplacée. De deux choses l’une : ou bien vous n’êtes pas Esther Gobseck (et c’est ce que j’ai cru tout d’abord), ou bien si vous êtes Esther Gobseck, vous êtes la Torpille.

« — La Torpille, c’est moi ? balbutiai-je égarée.

« — Mais bien entendu ! Et la Torpille n’est pas philosophe fichtiste ! »


« Après un silence, il se leva, étendit sa main dans ma direction et me dit les choses stupéfiantes que je vais essayer d’écrire si j’en ai encore la force. L’autorité de sa voix était telle que je ne l’interrompis à aucun moment.

« — Vous êtes née en 1805, de Sarah van