Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/111

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Gobseck et de père inconnu. Votre mère, ruinée par Maxime de Trailles, est morte assassinée par un officier dans une maison du Palais-Royal, au mois de décembre 1818. À cette date, vous aviez treize ans et, depuis plusieurs années déjà, guidée par votre mère Sarah, vous meniez la triste vie des petites prostituées impubères. C’est alors que vous êtes entrée à l’Opéra. Plusieurs habitués vous entretenaient, parmi lesquels Clément des Lupeaulx. J’aurais bien besoin de savoir quel fut le mobilier de votre chambre à coucher vers cette époque ; mais puisque vous ne voulez rien dire, passons. En 1823, on complote de vous envoyer à Issoudun chez le vieux Jean-Jacques Rouget sur le point d’épouser sa bonne, et que l’on voudrait, grâce à vous, détourner de ce mariage indigne. Le projet ne réussit pas. Je passe encore sur les embarras d’argent qui attristèrent votre dix-huitième année, embarras qui vous obligent à un expédient honteux. À la fin de cette année 1823, vous rencontrez par hasard Lucien de Rubempré au théâtre, vous le recevez dans votre appartement situé rue de Langlade. Vous l’adorez, il vous aime, et je ne vous apprendrai point comment, par l’entremise de Vautrin, le baron de Nucingen fait votre fortune et celle de Lucien tout ensemble. Maintenant, écoutez-moi bien.

« Je l’écoutais, au comble de l’horreur.

« — Nucingen vous est odieux, ma fille. Il a