Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/14

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C’était une nuit d’été pleine de lune et de chaleur. Alain rapportait dans sa main trois roses blanches cueillies en secret derrière la maison de son père. Il les cachait en route comme ses propres pensées et assurément il n’eût pas osé paraître avec elles aux yeux de qui que ce fût, mais, à une heure si tardive, personne ne troubla son passage.

Il monta jusqu’à sa cellule où il s’enferma. Les roses reposèrent sur son lit.

Si près de la chambre où dormait Marie-Anne, elles paraissaient changer de nature. Elles n’étaient plus les mêmes fleurs cueillies au petit parterre du bedeau de Saint-Maclou.

Alain les regardait avec un sentiment analogue à celui qui transportait Marie-Anne en contemplation devant la cloche ; c’est-à-dire qu’il leur attribuait toutes les vertus, toute la beauté de celle qui pouvait seule entendre leur langage.

Ces roses n’étaient pas nées pour de larges mains d’homme. Le jeune sonneur craignait moins de se piquer à leurs tiges que de défleurir leurs sommets. Avec de lentes précautions, il les prit une à une et les disposa dans son poing gauche comme dans un vase un peu rude, en prenant soin que les fleurs ne se touchassent qu’à peine.

Puis il ne sut qu’en faire.

S’il attendait au lendemain, les roses seraient presque fanées. S’il frappait en pleine nuit à la porte de la jeune fille, que penserait-elle de son dessein ?