Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/151

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— Il ne me déplaît pas de le mériter au prix des faveurs qu’elle décerne.

Le fou esquissa un geste qui signifiait évidemment : Vous ne me comprenez pas du tout. Puis il se prit le front dans les mains et continua de parler.

— Hœrselberg ! Hœllenberg plutôt[1] ! Ils arriveront jusqu’à toi sans avoir pressenti ton horreur éternelle, toi qui attends les purs, toi qui punis les chastes, toi qui consumeras dans l’éternité les mauvais avares de la chair, ô Brasier ! Ils auront vécu leur vie solitaire, rebelles à la grande loi divine, et ils ne connaîtront ton atroce brûlure que le jour où, à la force de l’Épée, le Messager des Âmes les plongera dans le gouffre. Ils ont des yeux et ils ne voient point, ils ont des oreilles et ils n’entendent point, ils ont des bouches et ils ne… Mon Dieu ! ce sont des fous ! des fous ! des fous !


Tout à coup, se tournant vers moi, il hurla :

— Comment pouvez-vous rêver que le Venusberg puisse devenir un motif de damnation, puisque le Venusberg est l’Enfer lui-même ?

Je fis un mouvement.

— Hélas ! gémit-il. Hélas ! mon Dieu ! (et ses mains descendaient de ses yeux sur sa barbe). Hélas ! serai-je le seul vivant à connaître la Vérité, la Vérité, la Vérité ?… Ce sera donc en vain que tous les Patriarches auront placé Vénus en

  1. Hœllenherg : Montagne d’enfer.