Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/152

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regard de Dieu comme son antithèse effrayante, et personne n’aura su qu’elle était Satan. Ce sera donc en vain que la tradition antique aura dépeint les Satyres avec ces cornes, cette queue noire, ces jambes de bouc, ces pieds fourchus : personne n’aura deviné qu’ils étaient les démons ? Et quant aux flammes éternelles, personne au monde n’aura compris qu’elles sont les milliards de femmes nues qui dansent là…

Il frappa la terre.

— … Là ! sous nos pieds !

Il tremblait jusqu’à la nuque.


— Depuis que l’homme pense, depuis que l’homme écrit et enseigne, il dit, il répète, il crie qu’il n’est pire torture que d’aimer. Comment n’a-t-il pas pressenti que dans le monde de l’éternelle torture, cette torture-là seule lui serait infligée ! Et quelle autre imaginerait-il qui fût plus épouvantable !


Il prit alors une posture de voyant et sa main s’agita au milieu de son regard :

— Oui, dit-il, c’est là… c’est là… Du jour où nous ne serons plus que des cadavres pourrissants et des âmes affolées d’effroi, c’est là que nous irons en foule, nous, nous tous, nous tous les pécheurs, brûler de l’horrible feu qui est la Convoitise. À chaque jour et à chaque heure nous désire-