Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/37

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Un soldat en gardait quarante et s’improvisait crieur d’hommes. Derrière les tables, des serviteurs ramassés dans les faubourgs faisaient circuler l’eau et le pain nécessaires à la nourriture de cette multitude asservie, et un grand bruit s’élevait toujours, comme la voix perpétuelle d’une fête.

Parrhasios pénétra dans la rue principale où s’exposaient à droite et à gauche, nus comme un peuple de marbre, les jeunes gens et les jeunes filles qui avaient paru valoir les hauts prix. À mon étonnement, je ne surpris rien de morne dans leurs regards plutôt curieux. La douleur humaine a son terme que la jeunesse voit venir bientôt. Depuis la ruine de leurs maisons, ces beaux êtres avaient usé jusqu’au bout tout ce qu’ils pouvaient donner de jours et de nuits à l’appréhension ou au désespoir : rien n’en paraissait plus sur leurs physionomies. Les jeunes gens sans doute avaient repris confiance dans leur évasion future. Peut-être les jeunes filles songeaient-elles à l’amour dont on allait combler leur couche et qu’elles méconnaissaient assez pour le convoiter, quel qu’il fût. Bref, par inconscience ou par bravade, ils affectaient une bonne humeur.

La foule autour d’eux se poussait, empressée à l’examen, plus indécise devant l’achat. Peu d’hommes se décidaient vite au milieu d’une telle mise en vente. On touchait beaucoup aux esclaves. Des mains éprouvaient les muscles d’une jambe,