Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/39

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— Vierge, dit-il, je n’y tenais pas. Il me suffisait qu’elle fût belle. Ôte-lui ces entraves qui nuisent à sa grâce, et, vite, qu’elle remette son vêtement. Je l’achète. Quel est son nom ?

— Artémidora, dit-elle.

— Eh bien, Artémidora, sache que tu es désormais à la suite de Parrhasios.

Elle ouvrit de grands yeux, hésita naïvement :

— Tu es… tu serais le Parrhasios que…

— Je le suis, répondit son maître.

Et la remettant à la garde des gens qui l’accompagnaient, il reprit sa marche en avant.

Puis il daigna m’expliquer :

— Écartelée sur le Caucase, cette jeune fille offrirait un charmant spectacle. Cependant je ne l’ai pas prise à dessein d’achever avec elle le Prométhée dont je t’ai parlé. Elle me servira de modèle pour certains petits tableaux obscènes, auxquels je délasse mon esprit pendant mes heures de loisir, et qui sont loin d’être, tu le sais, la moins noble partie de mon œuvre.

Nous marchâmes longtemps devant les tréteaux. La foule avait encore grossi. Le soleil devenait plus difficilement tolérable dans cette vaste plaine sans ombre, au milieu d’un peuple houleux. Artémidora s’était ornée d’abord de sa tunique blanche, puis de la ceinture des vierges remontée au-dessous des seins, et ses cheveux disparaissaient dans le sommet d’un voile bleuâtre qui enveloppait tout