Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/47

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pensées. C’était une absurde critique. La peinture est dessin et couleur : sa langue ne parle que par gestes, et le geste le plus expressif est celui par quoi elle triomphe. J’ai peint Akhilleus à l’instant où il tue. Sa colère immobile, je la laisse au poète. Mais en voilà assez, nous nous comprenons.

Il s’assit devant son chevalet et commanda :

— Reprenez la pose.

Alors Artémidora leva ses yeux noirs vers nous et d’une voix qui me laissa troublé elle murmura :

— Devant lui ?

Mais Parrhasios n’entendait point. Parrhasios chantait déjà. Avec son pinceau fin dont le manche était d’ivoire et creusé en roseau, il ajouta les derniers traits à l’esquisse, afin d’en accentuer encore l’impeccable et pur dessin. Puis deux de ses jeunes apprentis lui apportèrent ses instruments.

— Tu le vois, me dit-il en souriant, j’ai cessé de peindre à la détrempe. Voilà de la cire et des fers selon le procédé nouveau. Ces jeunes gens de l’École de Sikyone, je les battrai sur leur terrain !

On eût dit, en effet, à le voir, qu’il avait toujours employé ce procédé de Polygnote récemment remis à la mode. Ses petites boîtes à cire étaient disposées dans un coffret déjà maculé par l’usage. Il y plongeait avec mesure le fin cautère chauffé au fourneau, en retirait une gouttelette de cire colorée, la posait à sa place et la mêlait aux autres