Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/84

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cette loi ? Celles dont Héraclite a donné, voici deux mille quatre cents ans, l’expression définitive : — le feu se transforme en mouvement ; le mouvement se transforme en feu ; et c’est là le monde.

J’étais épuisé.

— Ô Callistô, suppliai-je, écoute mes paroles ailées ; tu es beaucoup trop savante. J’avais bien entendu dire que les courtisanes antiques étaient des femmes de rare intellectualité, mais ce n’est pas cela, sans doute, qui les a faites si belles. Aujourd’hui si Mme  de Pougy, malgré son beau talent littéraire, voulait entretenir M. Boutroux des sujets qui le préoccupent, elle ne réussirait pas à l’intéresser autant qu’une Aspasie parlant à Xénophon. Et pourtant, je la préfère, parce qu’elle discourt plus volontiers d’une robe que d’une loi thermodynamique, et c’est une conversation qui sied mieux à son corps flexible. D’ailleurs le charme d’une femme s’accroît toujours au moment où elle se tait ; mais c’est une vérité spéciale dont l’évidence n’apparaît qu’aux hommes.

Elle attendit en silence que j’eusse terminé ; puis avec un entêtement victorieux, elle recommença :

— Quoi qu’il en soit, depuis deux mille ans, vous n’avez découvert ni…

— Nous avons découvert l’Amérique, interrompis-je patiemment.

— Cela n’est pas vrai !