Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/127

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Elle s’était assise sur un banc de gazon et souriait tristement vers les yeux d’Aimery.

« Alors… même par cette journée adorable où pour la première fois la vie me semble douce… dans ce parc désert où je suis entre vos mains sans aucune défense et où cependant je me sens protégée par ce qu’il y a de meilleur en vous… Je pense que je pourrais peut-être… avec vous ! toujours avec vous !… être heureuse sans remords, amoureuse sans péché… vivre dans vos bras des jours enchantés dont tous les instants me laisseraient un souvenir absolument pur… et vous donner mon âme avec tant de ferveur que mon corps ne vous tentât plus. »

Il secoua la tête et dit avec tendresse :

« Il est trop tard, Psyché, je suis votre amant depuis hier, et rien ne pourra plus faire que je ne l’aie été.

— Dans le passé ? Que me dites-vous ?

— Dans un passé si proche, que j’en ai encore le parfum et la chaleur sur les lèvres. Vous ne soupçonniez pas l’amour ; vous m’avez donné le vôtre sans en avoir conscience ; et vous combattez encore dans un avenir incertain l’ennemi supposé qui vous effarouche, quand vous l’avez étreint, cet ennemi de vos rêves ; vous vous êtes unie à lui tout entière. C’est lui qui vous semble si doux.

— Non, dit-elle, non ; ce n’est pas l’Irréparable…

— Vous croyez ? »