Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/126

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noir ; mais sur nos têtes le ciel est bleu et autour de ma main votre main est sûre.

— Le croyez-vous enfin ?

— Oui. J’ai besoin de le croire, Aimery, et je n’ai pas le droit d’en douter. Vous êtes bon. Vous êtes délicat. Deux fois depuis hier vous me l’avez prouvé. Deux fois vous avez compris que j’étais dans vos bras sans m’offrir à vous et que ma joie dépendait surtout de votre réserve…

— La mienne aussi.

— Aimery, c’est vrai ?

— Je vous aime, Psyché ; quel désir puis-je poursuivre, qui ne soit pas d’abord le vôtre ? Ma joie, c’est votre main que vous m’avez donnée, ce sont vos yeux qui ne me reprochent rien, c’est votre bouche qui ne se détourne pas de la mienne, c’est votre voix qui ne me hait pas.

— Écoutez-moi… Je ne sais si vous me comprendrez. Dans la solitude où j’ai tant pleuré, où j’ai passé tant de nuits noires et de matinées mélancoliques ; je ne connaissais plus qu’une consolation à laquelle j’attachais un prix inestimable parce qu’elle était la seule qui me fût restée. C’était la paix de ma conscience. Je lui ai tout sacrifié. Sur cette ambition j’ai joué mon destin. Elle me coûte si cher que si elle m’échappait je m’en irais dans la vie comme une égarée. J’en perdrais la raison. Je n’y pense qu’en tremblant… Et alors… »