Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/141

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Vous pensez bien certainement que cela n’a pas de danger pour personne ? On dépérit d’amour pour vous, madame Aracœli, je ne veux pas vous le cacher.

— Ah !

— Je ne dirai pas de noms, ce n’est pas mon rôle ; mais j’en suis bien informée… Et comment ne serait-on pas amoureux devant tant de beauté ! Vous êtes faites ! Comme une statue ! Des mains ! Ravissantes ! Une poitrine ! À mouler ! Des jambes ! Sans rivales ! Et vous avez la plus jolie chute de reins de Paris ; cela, je le disais encore hier à Mme Rosine Alban, qui est si fière de la sienne (Mme Alban de la Comédie Française). Quand on vous a vue, on ne vous oublie pas.

— Mais comme vous êtes aimable aujourd’hui, Brémondel ! Si l’on vous entendait, on croirait que vous me faites la cour.

— Plaisantez-moi. Je vous assure que je suis tout émue en pensant à ce pauvre jeune homme, si bien lui-même, si beau garçon, et une âme d’élite, vous savez, incapable de séduire la maîtresse d’un ami ! Il a sa vie brisée par cet amour-là, mais plutôt que de se déclarer, il se tuera, comptez-y bien. »

Elle s’attendait à être interrompue par la question : « Comment s’appelle-t-il ? » Mais Aracœli se tourna paresseusement sur le côté, tendit sa main gauche aux petits instruments qui venaient de chatouiller sa main droite, et elle dit de sa voix lente :