Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/149

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Deux paons blancs au poitrail carré traînaient dans une allée tachée de soleil et d’ombre leurs longues gerbes de plumes pures. Les jeux mobiles de la lumière peignaient leurs ailes des couleurs les plus tendres, le jaune du jour, le bleu des ombres, le rose, le vert léger des reflets forestiers, et sur ces deux blancheurs errantes passait le mirage du soleil.

Toute semblable, l’âme de Psyché laissait glisser sur elle des teintes idéales et qu’elle n’avait jamais connues. Une grande ombre avait disparu entre ses yeux et la Nature. Le voile inaccessible qui lui cachait le bonheur s’était levé comme un brouillard, et, joyeuse, étonnée, ailée, elle n’éprouvait plus d’angoisse devant la beauté des choses.

Elle croisa ses deux mains sur l’épaule d’Aimery et murmura en avançant la tête pour le voir de plus près :

« Mon amour, dis-moi la vérité : moi aussi, n’est-ce pas, j’ai dormi cent ans depuis avant-hier ?