Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/150

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Je m’éveille dans un autre âge, peut-être sur une autre terre, où tout s’est transformé, tu vois : le parc, les oiseaux, la couleur du temps. Et tu n’es plus le même. Et je ne suis plus moi.

— Oui, tu as dormi cent ans. Rien n’existe plus que ce parc et nos formes ressuscitées, un nouvel Aimery, une autre Psyché.

— Ce nom-là fut le mien. Tu aimais, Psyché… Comment puis-je te plaire aussi, moi qui n’ai plus rien de commun avec elle ?

— J’ai toujours aimé celle que tu es devenue ; non celle de jadis.

— Tu étais cependant bien tendre pour elle, si je puis me le rappeler encore ; mais les choses d’hier sont pour moi dans un lointain si reculé que je n’ai plus aucune certitude, si ce n’est ta présence, ta voix, ton baiser. »

Ce baiser les interrompit. Psyché pliait, encore rougissante mais souple et désarmée sur le bras de son amant. La main d’Aimery toucha la ceinture, remonta vers le sein qu’elle prit avec passion. Sous un long sourire des yeux, Psyché confidentielle chuchota :

« C’est à toi… C’est à toi… ».

La solitude et le silence du parc, la solitude plus vaste encore de la forêt où elle avait passé l’environnaient d’une zone infranchissable où le mystère de sa métamorphose gardait son caractère sacré.

Pas une âme ne se révélait dans le domaine de