Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/192

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lait à lui-même l’hésitation profonde le retenait, à l’instant d’entamer la publication de ce grand livre, le livre de son âme.

— Voyez-vous, c’est un livre qui a trop attendu. Je l’ai commencé en 1906. Mais c’est en 1900 ou en 1901 que je l’ai conçu. Et j’ai eu tort de l’habiller en roman moderne contemporain. Aujourd’hui, il date.

(Aujourd’hui, c’était 1912.)

Il insistait :

— Songez y : est-ce que les femmes d’à présent portent des corsets ? est-ce qu’on a besoin de les dégrafer ? est-ce qu’on charge une auto sur un train, pour aller de Paris en Bretagne ? Et puis, ce château de la Belle au Bois Dormant… est-ce qu’on a le droit de parler d’un Château de la Belle au Bois Dormant, après que Loti, sous ce titre même, a écrit le chef-d’œuvre que vous savez ?

Rien de cela, certes, n’était sérieux.

Il n’importe pas beaucoup qu’un livre daté date. Il serait même singulièrement malaisé qu’il en fût autrement. Et quant au titre de Pierre Loti, Pierre Loti lui-même, le plus probe et le plus scrupuleux des grands génies, ne l’avait-il pas tout loyalement pris à Perrault ? Alors ?…

— Alors — me disait quelque temps après Thierry Sandre, — alors, jamais Psyché ne paraîtra.

— Mais pourquoi ? Ce ne sont pas les prétextes qu’il nous donne, ou plutôt qu’il se donne à soi…