Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/24

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Aimery était devenu grave :

« Ce n’est pas lui encore. C’est déjà lui, fit-il. Voyez cette poussée de gazon qui verdit, qui monte, frissonne autour des arbres sans feuilles. Les résurrections sortent de la terre ; ces bois qui semblaient des bûchers redeviennent des êtres vivants ; les marronniers jettent des bourgeons énormes, grands comme des branches, visqueux comme des mollusques étirés hors de leurs coquilles, et verts comme toute l’Espérance. Ah ! la vigueur, la joie et la beauté de tout cela ! Jamais un jour d’été, si triomphal puisse-t-il être, ne m’enivre comme celui-ci. Hélas ! que c’est beau ! Quelle puberté joyeuse, quelle explosion de désir tout autour de nous !

— Et les oiseaux ! dit Psyché. Et les oiseaux ! Entendez-vous les oiseaux ! »

Elle tendit les mains.

« Par ce temps-là, je me sens redevenir jeune fille. Je voudrais jouer ici, courir dans les allées, me rouler sur l’herbe, tacher mes bas rouges et manger des fleurs. Marchons vite. Allons jusqu’à ce petit temple qui est au sommet du parc, sur la cime de l’île rocheuse. La couleur du temps est adorable, et là-haut nous serons à l’ombre au milieu de toute la lumière. Qui de nous deux y sera le premier ? »

Ils allèrent.

Le ciel s’agrandit.