Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/45

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langé. Il y avait de tout dans son ascendance à la fois dravidienne, hindoue, espagnole, arabe et malaise ; certaines colorations natives laissaient à ses longs doigts leur stigmate nigrescent. On la nommait Aracœli.


Aracœli parlait deux langues, le français et le tamoul, et professait deux religions, ce qui est beaucoup à une époque où tant d’honnêtes filles n’en ont aucune. Tandis que son père lui apprenait le catéchisme catholique, sa mère l’avait instruite à ne pas mépriser les dieux de son pays, et comme dans toutes les conjonctures, la jeune fille priait à la fois Notre-Dame et Parvâti, elle les remerciait ensemble des biens obtenus, pensant que la Vierge et la Déesse unissaient leurs puissances divines pour sourire à ses vœux et les mieux exaucer.

Devenue orpheline, elle allait à Estremadure accompagner sa tante paternelle qui voulait voir avant de mourir la tierra bendita de ses lointains ancêtres ; mais cette tante avait le mal de mer, et ne pouvait quitter sa cabine, circonstance qu’Aimery ne manqua pas de considérer comme heureuse et qui l’eût sans doute converti aux cent dieux du Coromandel s’il l’avait due à ses prières.

Ébauché dans la soirée, le flirt recommença dès le lendemain matin et fit les progrès les plus rapides. Aracœli, élevée à l’écart, mais amoureuse et nonchalante, n’avait ni le talent ni l’envie de se