Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/124

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Platon, creusé la poitrine sous le poids des mathématiques, et voûté l’échine avec vos pensums ! Vous serez bien avancés quand vous en aurez fait des énervée, des rachitiques, des poitrinaires, et qu’au sortir de vos fours à hommes ils s’apercevront que le plus beau temps de leur jeunesse est passé pour l’éternité.

Vous croyez donc que cela reviendra, et qu’on peut perdre impunément dix ans de sa vie ? Vous croyez donc que ces malheureux pourront plus tard revivre tout le bonheur que vous leur enlevez ? Vous croyez donc qu’on a deux fois seize ans ? Et vous, quand vous lisez ces vers admirables :


Quinze ans ! l’âge où la femme au sortir de l’enfance
Sortit des mains de Dieu si blanche d’innocence,
  etc…

vous ne sentez donc pas quelque chose vous dit : je n’ai pas eu quinze ans, moi ! Et vous ne sentez donc pas que c’est un crime de faire que ceux que vous élevez ressentent un jour ce regret atroce, navrant, désespéré, mais inutile, devant le temps qui passe inexorablement ?

Et — surtout ! — pourquoi parquer les jeunes gens par sexe ? pourquoi séparer ceux qui demandent à être réunis ? pourquoi, enfin, forcer les hommes ici-bas à ne connaître la jeune fille qu’après avoir vu la cocotte ?

Oh ! mon Dieu ! comme le monde était bien fait