Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/157

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« Qui est-ce cette femme que tu peins ? — C’est Marie-Madeleine. Est-ce que tu ne la trouves pas jolie ? — Trop jolie. — Allons bon ! Est-ce que tu vas être jalouse aussi des femmes que je peins ? — Mais certainement ! (boudant et souriant.) Oh ! je vous connais si bien, vous autres hommes. Quand vos tableaux vous plaisent, vous dites : « Oh ! les jolis yeux ! Oh ! la jolie bouche ! On y mordrait ! » Dieu ! qu’elle était charmante en disant cela, debout sur l’estrade, avec son grand chapeau de merveilleuse et sa grande canne !

Et plus tard, toujours à Cavaradossi : « D’abord, un homme lit du Voltaire ! Et cet autre livre atroce que tu m’as prêté, la Nouvelle Héloïse. J’en ai parlé à mon confesseur, et le confesseur m’a dit (d’une grosse voix si drôle) : « Mon enfant, brûlez ce livre, ou ce sera lui qui vous brûlera ! » — Et tu l’as brûlé ? — (fermement :) Non !… Et je l’ai lu… tout entier. Et il ne m’a pas brûlée… Et mon confesseur m’a dit encore de te faire couper tes moustaches… parce que c’était un emblème séditieux… Mais je n’ai jamais osé te le dire. — Pourquoi ? — Parce que tu les couperais et… (les lui caressant)… elles te vont si bien ! »

Au moment de s’en aller, elle regarde machinalement la tête de Marie-Madeleine, et, pendant que son amant lui parle de choses sérieuses, elle l’interrompt tout à coup, appuyée le menton sur sa longue canne et ses yeux ingénus tout grands