Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou quatre feuilleton de la Terre quand j’étais au Tréport. Quand je pense que je croyais son succès dû uniquement à son immoralité ! Mais c’est un homme de génie ! c’est le plus grand romancier de notre époque !

J’ai lu le Bonheur des Dames dans un exemplaire qui appartient à Paul Feillet et qu’il avait prêté à Paul pendant sa maladie.

Je trouve ce roman parfait sous tous les rapports. Le style surtout est extraordinaire. Il y a toutes les deux lignes une trouvaille d’expression. Malgré cela, c’est très fatigant à lire, ou plutôt peut-être à cause de cela. Et puis le roman marche, marche, on ne s’arrête pas, ça chauffe sans cesse, ça brûle le papier, les événements se pressent, les descriptions s’entassent, les épithètes s’amoncellent, se multiplient, on lit, on lit… et pas un moment de répit, pas un tableau plus tranquille, plus frais, qui reposent les yeux et la tête, — on ne respire pas.

Je ne sais pas si Zola a fait de même pour ses autres romans, mais ici cela me paraît absolument en situation : ce magasin toujours sous, pression, qui fonctionne, qui bout comme une machine à vapeur, et grossit, grossit, ronge les maisons, avale peu à peu tout le quartier, centralise tous les commerces, aspire tout Paris, tue tous ses concurrents, et de boutique devient colosse, — pour ce magasin, pour la description de ce développement gigan-