Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/220

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ments, et Besnard saluait, saluait, tout radieux. »

Enfin, avant-hier dimanche, 15 avril, comme je jouais sur mon violon quelques airs de la Damnation que je venais d’entendre à Colonne, j’entends ma porte s’ouvrir, c’était Georges qui était entré sans que je l’entendisse :

« Viens un instant dans le salon.

« — ? ? »

Je le suis :

« — Tiens, regarde. »

L’aquarelle était posée debout sur son bureau.

Oh ! quelle sensation j’ai eue en la voyant. Je souriais malgré moi, comme dans les moments où l’on est heureux, et je la regardais sans pouvoir dire autre chose que : « C’est ravissant ! C’est ravissant ! »

Dans un grand nuage gris bleuté, troué par des aperçus de ciel bleu, une Nuit, dont on ne voit que le buste, approche de sa bouche sa main droite et souffle une haleine insensible qui fait éclore une à une des étoiles, des étoiles, et le ciel s’illumine. Comme l’idée est poétique ! et comme le tableau l’a rendue ! Le profil est d’une douceur infinie, c’est du Prud’hon, du Prud’hon en mieux, si c’est possible. L’œil est unique, et le souffle est si léger que les lèvres sont à peine tendues, sans que les joues soient gonflées ! De sa main gauche, avec un mouvement plein d’harmonie et de grâce, elle ramène chastement, la frileuse, les plis gri-