Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/221

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sâtres de sa robe. Dans le pli de sa main droite une étoile éclôt, une autre a passé entre ses doigts, trois plus grosses s’envolent dans l’air calme, comme des bulles légères, et quelques-unes sont déjà fixées. La Nuit s’avance, elle a fort à faire pour allumer ainsi toutes les étoiles et les plaquer au firmament, elle s’avance donc, mais si doucement ! On sent le mouvement au fuyant de ses cheveux, et c’est tout !

Ceci est poétique, comme une Nuit de Musset, comme un Soir de Schumann, comme un Ange de Prud’hon. Je deviendrai fou de cette Nuit. Pour Georges, c’est déjà fait !


Jeudi 19 avril, 6 heures soir.

Je sors de l’exposition des Pastellistes, de plus en plus fou de Besnard.

Il a exposé là une dizaine de tableaux dont deux admirables, trois ou quatre très beaux et deux incompréhensibles.

Les deux chefs-d’œuvre sont :

« Fleur d’Eau ». Une femme toute jeune, seize, dix-sept ans, sort, émerge un peu d’un fleuve au courant rapide. Les bras sont collés le long du corps, l’eau frôle et baise sa poitrine d’enfant dont un tétin rose touche la surface ; l’autre est sous l’eau ; elle ne bouge pas, mais elle a incliné légèrement le cou et sa tête regarde la rivière.