Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/236

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digués, perdus, souillés, sur une de ces créatures ! Oh ! ce souvenir, ce souvenir plus tard de cette première nuit, qu’on ne doit jamais oublier, qui doit vous être éternellement présente à l’esprit, jusqu’aux moindres détails, jusqu’aux plus petits mots, jusqu’aux baisers les plus furtifs, ce souvenir le plus saint de tous, le voir mêlé à un pareil être, oh ! ça, jamais !

Dussé-je attendre jusqu’à vingt ans, crever de désir et d’amour rentré, je fais ici le serment que ma première nuit, je ne l’achèterai pas, et que, si je ne puis la passer avec une vierge, chance trop improbable, je ne la passerai pas avec une putain !

C’est le premier serment que je me fais à moi-même, mais il est solennel. J’en jure sur les têtes sacrées de ma mère et de mon frère Paul !… et sur Dieu, s’il existe !


Dimanche, 6 mai 88, 10 h. 45.

Hier matin, Georges est parti à huit heures et demie pour son ministère, il a déjeuné à trois heures de l’après-midi et il est rentré pour dîner à… dix heures dix ! Et la colonne des minutes monte toujours, les expéditions s’entassent, et il est dépassé, submergé, affolé.

Son directeur est encore plus occupé. Hier matin, M. Claverie s’est levé à six heures, et il était encore là quand Georges est parti ! Et ce matin