Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 9.djvu/306

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ser passer un fleuve, puis plongeaient silencieusement dans le gouffre immobile où grondaient les eaux furieuses. La nuit montait de la route, des montagnes, des branches noires ; mais une lueur inexplicable éclairait encore les profondeurs où je roulais ; et dans l’éloignement je distinguais toujours quelques arbres dans les pans de forêts laissées en arrière. La route lumineuse glissait, se collait aux roches, mangeait des falaises effrayantes qui surplombaient, éventrait d’une tranchée les promontoires, ou perçait d’un tunnel les montagnes trop hautes. Des brumes s’attachaient aux formes tremblantes des choses, et la nuit a fait une noirceur étrange qui se laissait voir. Dieu ! quel passage ! vers quelle porte d’éternel dolore cette trouée lugubre conduisait-elle ? Autour de la retentissante rivière, pourquoi ce terrible silence ? La vie semblait avoir cessé. Plus une maison ; plus une lumière ; plus une voix d’homme ; plus un cri d’oiseau ; et la nuit qui montait…

Ah ! j’avais si peur d’une chambre bêtement blanche et carrée comme un parloir de couvent ! Celle que j’ai me ravit. La fenêtre profondément creusée ; les vingt-quatre petits carreaux, le plafond en poutres, le carrelage en briques, l’oratoire.


Grande-Chartreuse, 26 août, 10 h. matin.

Pourvu qu’avec leurs pratiques ils ne tuent pas