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Vendredi, 29 juillet.

Je quitte Paris ce matin à 8 h. 30. Georges vient à la gare avec moi, et notre voiture traverse cet interminable boulevard Sébastopol encombré de poissardes et de petites voitures.

Puis trois heures de wagon ! Mince de scie !


Car que faire en wagon, à moins, de s’em… bêter ?

Enfin je m’occupe de différentes manières. Je regarde ma voisine : elle est laide. Elle ne vaut même pas la peine que je lui fasse du pied sous sa robe. Je regarde mon voisin d’en face : c’est un vieux gâteux. Mon voisin d’à côté : c’est un pauvre jeune homme poitrinaire. Le paysage ? Il est banal. Mon journal ? Il est ennuyeux.

Mais, sacredié ! il faut pourtant que je m’occupe !

Je récite mon alphabet. Cela m’ennuie. Je compte jusqu’à cent : je m’arrête à onze.

Alors je me récite des vers. La ballade du Désespéré, Rolla, Stella, tout y passe, même Bossuet.

Mais au bout d’une heure je suis au bout de mon rouleau. Que faire ?

Alors je chante — tout bas, en moi-même — les airs que je connais. Le duo de Lohengrin, la marche des Drapeaux, les Diamants de la Couronne, l’Invocation du Faust de Berlioz, tout