Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/346

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— Pauvre Chrysis ! aurais-je pensé que le jour de sa fin je porterais son corps sans torches et sans char funèbre, secrètement, comme une chose volée. »

Puis toutes deux se mirent à parler avec volubilité comme si elles avaient peur du silence côte à côte avec le cadavre. La dernière journée de la vie de Chrysis les comblait d’étonnement. D’où tenait-elle le miroir, le peigne, et le collier ? Elle n’avait pu prendre elle-même les perles de la déesse : le temple était trop bien gardé pour qu’une courtisane pût y pénétrer. Alors quelqu’un avait agi pour elle ! Mais qui ? On ne lui connaissait pas d’amant parmi les stolistes commis à l’entretien de la statue divine. Et puis, si quelqu’un avait agi à sa place pourquoi ne l’avait-elle pas dénoncé ? Et de toutes façons, pourquoi ces trois crimes ? À quoi lui avaient-ils servi, sinon à la livrer au supplice ? Une femme ne fait pas de ces folies sans but, à moins qu’elle ne soit amoureuse. Chrysis l’était donc ? et de qui ?

« Nous ne saurons jamais, conclut la joueuse de flûtes. Elle a emporté son secret avec elle, et si même elle a un complice, ce n’est pas lui qui nous renseignera. »