Page:Louÿs - Les aventures du roi Pausole, 1901.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et comme si cette constatation lui donnait l’ardeur nécessaire pour exprimer ce qu’elle voulait dire :

— Eh bien, cela ne peut pas durer ! fit-elle. Il faut que je vous parle, et vous allez apprendre pourquoi j’ai besoin de vous. C’est fort inconvenant : ne me regardez donc pas. Et ce sera long peut-être : ne soyez pas distrait.

— Je suis vivement intéressé, au contraire.

— J’ai vingt-trois ans, monsieur. Je ne suis pas mariée. Je mène une vie stupide, comme toutes les jeunes filles.

— Oui… Oui…

— Vous me comprenez. Je vois cela. Mon père a les idées les plus larges sur la vie intime et sur l’éducation…

— Mais, naturellement, il ne les applique pas à ses filles ?

— Naturellement ?

— C’est on ne peut plus humain.

— Vous trouvez, vous ? Pour moi, c’est de l’incohérence…

— C’est humain et incohérent ; deux fois humain. Nous sommes d’accord.

— Ne m’interrompez plus : sans cela j’oublierai tout ce que j’ai à vous dire avant de…