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« Je peux toute nue ? me demanda-t-elle.

— Voulez-vous aussi que je vous le jure ?… En mon âme et conscience…

— Vous ne me le reprocherez jamais, fit-elle en imitant mon accent dramatique.

— Jamais !

— Alors… la voilà, Mauricette ! »

Nous tombâmes tous deux sur mon grand lit, dans les bras l’un de l’autre. Elle me heurta de sa bouche. Elle me poussait les lèvres avec force, donnait sa langue avec élan… Elle fermait presque les yeux, puis les ouvrait en sursaut… Tout en elle avait quatorze ans, le regard, le baiser, la narine… À la fin, j’entendis un cri étouffé, comme d’une petite bête impatiente. Nos bouches se quittèrent, se reprirent, se séparèrent encore.

Et, ne sachant pas très bien quelles mystérieuses vertus elle m’avait fait jurer de ne pas lui ravir, je dis au hasard quelques balivernes pour apprendre ses secrets sans les lui demander.

« Comme c’est joli, ce que tu t’es mis sur la poitrine ! Quel nom cela prend-il chez les fleuristes ?

— Des nichons.

— Et ce petit Karakul que tu as sous le ventre ? C’est la mode, maintenant, de porter des fourrures au mois de juillet ? Tu as froid là-dessous ?

— Ah ! non ! pas souvent !

— Et ça ! je ne devine pas du tout ce que ça peut être.

— Tu ne devines pas, répéta-t-elle d’un air malin. Tu vas le dire toi-même, ce que c’est. »