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croyait tout perdu. Il n’était que temps de ramener un sourire sur ce visage désolé. Une de mes deux mains qui la tenaient serrée contre moi se posa tout simplement sur ce qu’elle désespérait de me faire accepter et même de me faire comprendre.

La timide enfant me regarda, vit que ma physionomie n’était pas sérieuse ; et, avec une brusquerie de métamorphose qui me fit tressaillir :

« Oh ! Crapule ! s’écria-t-elle. Animal ! Brute ! Putain ! Cochon !

— Mais veux-tu te taire !

— Depuis un quart d’heure il fait semblant de ne pas deviner et il se fiche de moi parce que je ne sais comment le dire. »

Elle reprit son air de gosse en bonne humeur, et, sans élever la voix, mais nez à nez :

« Si je n’en avais pas envie, tu mériterais que je me rhabille.

— Envie de quoi ?

— Que tu m’encules ! fit-elle en riant. Je te l’ai dit. Et avec moi, tu n’as pas fini d’en entendre. Je ne sais pas tout faire, mais je sais parler.

— C’est que… je ne suis pas sûr d’avoir bien entendu.

— J’ai envie de me faire enculer et de me faire mordre ! J’aime mieux un homme méchant qu’un homme taquin.

— Chut ! chut ! mais que tu es nerveuse, Mauricette !

— Et puis on m’appelle Ricette quand on m’encule.

— Pour ne pas dire le « Mau » … Allons ! calme-toi.