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ma main, roula jusqu’à moi et reprit aussi sérieusement que possible :

« Jusqu’à treize ans je suis restée en pension avec des jeunes filles du monde. Puisque tu sais tant de choses, dis ce que c’est que les directrices et les sous-maîtresses qui ont la vocation de vivre leur putain de vie dans un bordel de pensionnaires.

— Un peu gousses ?

— Je n’osais pas le dire, fit Mauricette avec une ironie charmante. Et comme elles devaient avoir des renseignements sur ma mère, tu penses qu’avec moi elles ne se gênaient pas.

— Les infâmes créatures ! Elles ont abusé de ta candeur ? Elles t’ont fait boire de force le poison du vice ?

— De force ! Elles m’ont pervertie ! fit Mauricette qui plaisantait et prenait de l’assurance. Quatre fois elles m’ont surprise en train de branler mes petites amies…

— Ah ! tu…

— Elles se cachaient dans le jardin, dans le dortoir, dans les corridors et jusqu’à la fenêtre des cabinets pour faire les voyeuses ! Crois-tu que c’est vicieux, une sous-maîtresse !

— Elles payaient pour ça ?

— Un mauvais point. Et pourtant !… Qu’est-ce qu’on leur montrait sans le vouloir ! Des combinaisons épatantes qu’elles n’auraient jamais trouvées toutes seules !… Enfin, je suis devenue l’amie d’une grande qui m’a enseigné en dix leçons le saphisme tel qu’on le parle…

— Ça veut dire ?

— L’art de faire mimi doucement au point