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essayé, sans doute. Quels vieillards libidineux que ces académiciens !

D’un fil de soie verte, Mauricette lia les poils de sa boucle noire, puis les trancha par la base :

« Un accroche-cœur… mouillé par le foutre d’une vierge ! » dit-elle.

Sur un éclat de rire elle sauta du lit, s’enferma toute seule au cabinet de toilette… mais elle en sortit aussi vite qu’elle s’y était éclipsée.

« Puis-je savoir maintenant…, commençai-je.

— Pourquoi nous sommes toutes comme ça dans la famille ?

— Oui.

— Dès ma plus tendre enfance…

— Comme tu parles bien !

— J’ai été mise en pension, pendant que maman et mes sœurs gagnaient leur vie ensemble avec les messieurs, les dames, les gosses, les putains, les jeunes filles, les vieux, les singes, les nègres, les chiens, les godmichés, les aubergines…

— Et quoi encore ?

— Tout le reste. Elles font tout. Veux-tu maman ? Elle s’appelle Teresa ; elle est italienne ; elle a trente-six ans. Je te la donne. Je suis gentille. Veux-tu mes sœurs aussi ? Nous ne sommes pas jalouses. Mais garde ma boucle et tu me reviendras.

— Ricette ! Crois-tu que je pense à…

— Turlututu ! On nous prend toutes les quatre ; mais on me revient. Je sais ce que je dis quand je ne me branle plus. »

Après un nouveau rire de jeunesse elle saisit