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— Et qu’est-ce que je vous donnerai si je perds ?

— Une discrétion.

— Tope ! dit-elle. Je m’en fous. Je sais tout faire. Vous gênez pas. »

Le déshabillage de Lili se fit en quatre temps et six mouvements : la robe, les deux pantoufles, les deux chaussettes, la chemise… Quand elle eut enlevé tout cela, il ne restait presque rien de Mlle Lili, tant sa nudité me semblait peu de chose.

Des bras et des jambes comme des échalas ; des cheveux noirs jusqu’à la taille ; un petit corps fluet avec une grosse motte et un sexe tout en saillie… s’il est vrai qu’un menu bien compris doit réunir les mets les plus dissemblables, le service de Lili après celui de Teresa eût été la trouvaille d’un chef.

Le premier mouvement de Lili me donna tout de suite bonne opinion d’elle. Au lieu de me sauter au cou, elle chercha entre mes jambes. Ai-je besoin de souligner tout ce qu’un pareil geste comporte d’innocence ?

La pauvre petite s’était annoncée (comme d’autres à son âge se nomment Enfants de Marie) sous le titre d’Enfant de Putain, une gosse qui se présente ainsi n’est pas une gosse comme les autres. Elle a du culot, pour le dire tout net. Et cette enfant de putain, sa chemise enlevée, m’abordait comme une ingénue qui baisse les yeux et cherche d’abord ce que les garçons ont de plus que les filles. Les petites prostituées ont des candeurs inaltérables.

Comme je me sentais encore sous le charme