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Mais pourquoi m’avait-elle envoyé Lili ? Pourquoi m’avait-elle promis la visite de…

On frappa. On frappa deux fois… J’allai ouvrir. Une voix douce et tranquille me dit :

« Il paraît que c’est mon tour ? »

Je reculai. Teresa m’avait prévenu que Charlotte était la plus jolie de ses filles, mais je n’espérais pas qu’elle le fût à ce point, et je le lui dis en pleine figure :

« Dieu que vous êtes jolie !

— Voulez-vous vous taire ! fit-elle tristement. Toutes les filles se valent.

— C’est vous qui êtes Charlotte ?

— Oui. Je vous plais ?

— Si vous me plaisez ! »

Elle m’interrompit pour me dire avec une sorte de soulagement et de lassitude :

« Eh bien, tant mieux, parce que moi, je me donne comme je suis, vous savez, je ne suis pas coquette pour un sou, et si tu… si vous… Oh ! on se tutoie, hein ? c’est plus simple.

— Et on s’embrasse ?

— Tant que tu voudras. »

Je lui pris la bouche passionnément. Le baiser qu’elle me rendit avait plus de mollesse que d’ardeur, mais il était de bon accueil. Elle dit seulement, quand je lui mis la main sous les jupes :

« Laisse-moi donc me déshabiller.

— Crois-tu que j’ai le temps !

— Tu as toute la nuit. »

Et sans hâte, avec la simplicité d’un modèle qui ôte ses nippes devant un peintre, elle enleva sa robe noire, ses bas, sa chemise et, nue devant moi, elle soupira :