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du bandit qui me force à voir comment il fouette le con de ma mère, le con d’où je suis née et qui fouette ce con jusqu’au sang. Mais je [ne] sais comment te le crier : les putains comme les pucelles n’ont qu’un amour qui les console ; elles ne sont amoureuses que de leur [petit] doigt. »

Après un frisson, elle se ressaisit.

« Tu m’en fais dire plus que je n’en pense. Je n’ai pas le droit de les traiter de cochons, de vaches et de bandits, tous ces gens. Ils ne m’ont pas violée… Ce que je voudrais te faire comprendre… c’est que plus on est putain et plus on est vierge. »

Cette fois, je lui pris le visage dans mes mains, et les yeux sur les yeux je lui répondis :

« C’est le plus beau mot que tu pouvais me dire. »

Qui ne le penserait ? Et ce mot-là, c’était Charlotte, corps et âme. Ses bons yeux me regardèrent sans rien pénétrer de ma pensée intime :

« Pourquoi me fais-tu des compliments sur tout ? Mes cheveux, mes yeux, mes seins, mes poils… Ça ne vaut pas cent sous, mon chéri. Va au bordel, tu trouveras mieux. Mes fesses… tu as fait le bonheur de ma nuit quand tu m’as dit que j’avais de jolies fesses ; c’est évidemment ce que j’ai de mieux. Mais ne te fous pas de Charlotte ; n’admire pas les mots qu’elle dit…

— Les mots qu’elle dit, ce sont les sentiments qu’elle éprouve.

— C’est aussi que les putains parlent avec leur cœur, comme les jeunes filles du monde parlent avec leur con. »