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Page:Louis-d-elmont-l-inceste royal-1925.djvu/4

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Ma foi, je m’en excuse auprès des lecteurs, je me souviens parfaitement que c’était en 1400 mais j’ai complètement oublié le quantième de cette année, pourtant mémorable dans l’histoire de la Sigourie…

Cela, d’ailleurs, importe peu aux faits que je vais vous raconter.

Donc, les cloches sonnaient et lorsqu’elles eurent fini de sonner, des hérauts d’armes à cheval parcoururent les rues, précédés de trompettes et clamèrent le manifeste suivant :

« Nobles seigneurs, gentes dames, bourgeois et manants,

« Oyez :

« Notre bien-aimée souveraine, la reine Radegonde, a donné heureusement le jour ce matin à un prince, qui a été aussitôt proclamé roi de Sigourie, sous le nom de Benoni XIV

« Des réjouissances publiques auront lieu pour célébrer en grande liesse cet heureux événement et des Te Deum seront chantés dans toutes les églises.

« Gloire et longue vie à notre roi Benoni XIV !… »

Et la foule, entourant les hérauts, répétait à tue-tête :

— Vive notre bien-aimé roi Benoni XIV !…

Cette naissance royale était attendue avec grande impatience par tous les Sigouriens, petits et grands, car le trône était vacant depuis la mort survenue trois mois plus tôt du précédent souverain Benoni XIII.

La question de la succession s’était posée à ce moment, les légistes de l’État avaient tenu longuement conseil et compulsé toutes les archives du royaume pour savoir si la couronne devait revenir au cousin de Benoni XIII, le duc de Boulimie, qui était, à défaut de descendance mâle, l’héritier le plus proche. Mais la reine portant encore dans son sein le fruit de ses amours légitimes et royales, il fut décidé que si elle mettait au monde un fils, cet enfant serait proclamé roi sous la régence de sa mère, au contraire si elle donnait naissance à une fille, ce serait le duc de Boulimie qui serait appelé à régner sous le nom de Népomucène VIII.

Mais le prince Népomucène n’était guère populaire, aussi la nouvelle que la reine avait accouché d’un fils fut-elle accueillie avec un enthousiasme délirant par toute la nation. On festoya tout le jour, on vida force hanaps, on dansa, et naturellement il y eut, la même nuit, entre Sigouriens et Sigouriennes grandes joutes d’amour, ce qui promettait pour le printemps suivant un notable accroissement de la population.

Il va sans dire que, seul de tous les seigneurs du royaume, le prince Népomucène avait vu d’un très mauvais œil l’arrivée au monde du bébé royal qui venait mettre fin au rêve secret qu’il caressait. Néanmoins, il avait été le premier à venir