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Page:Louis-d-elmont-l-inceste royal-1925.djvu/5

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féliciter la reine Radegonde et à prêter hommage au jeune Benoni XIV, lui jurant fidélité en étendant suivant la coutume sa dextre sur la garde de son épée.

La duchesse de Boulimie n’était pas moins déçue que le duc son époux, elle qui se voyait déjà remplaçant sa cousine Radegonde. La duchesse, qui était d’ailleurs une fort jolie femme, ne pouvait admettre que la Providence l’ait ainsi abandonnée. Et, retirée dans ses appartements, elle se lamentait sur son malheureux sort, tandis que ses femmes procédaient à sa toilette pour la nuit…

Or, ses lamentations furent interrompues par l’arrivée du premier aide de camp du duc ; l’aide de camp ne pénétra pas dans la chambre de la princesse, ce qui ne lui était pas permis, mais, suivant l’étiquette de la cour, il chargea la première dame d’atours de faire savoir à la duchesse que le duc Népomucène la priait de se préparer afin de le recevoir cette même nuit dans son auguste couche.

Lorsque la première dame d’atours transmit ce message à sa maîtresse, Sigeberte (c’était le nom de cette princesse) en montra un grand étonnement.

— Eh quoi ! dit-elle… Le duc, en un aussi triste moment, aurait des idées folâtres !…

Et elle se récria, même elle était prête à faire annoncer à son mari qu’elle souffrait d’un grand malaise qui l’empêchait de l’accueillir comme il le lui demandait.

Mais la dame d’atours lui représenta respectueusement que le duc était homme à aller porter à quelque dame de la noblesse les hommages qu’elle voulait repousser, et cette raison détermina la belle Sigeberte à déférer en soupirant au désir exprimé par son auguste maître.

Elle se laissa donc revêtir de linge fin, parfumer le corps, tresser la chevelure, ainsi qu’elle avait la coutume en pareille circonstance, et, s’étant mise au lit, envoya sa dame d’atours prévenir le premier aide de camp que Son Altesse pouvait venir.

L’aide de camp remplit aussitôt cette importante mission et s’en fut, en compagnie de la dame d’atours. Ils s’en allèrent tous deux suivre l’exemple que leur donnaient leurs illustres maîtres, et cela sans aucune manière, car c’est une chose qu’ils avaient coutume de faire ensemble, avec moult plaisir, aussi souvent qu’ils le pouvaient.

Mais les épanchements amoureux de ces personnages secondaires n’ont pour nous aucun intérét.

Il n’en est pas de même de ceux du duc et de la duchesse. Aussi nous y arrêterons-nous plus longuement.

La princesse Sigeberte, malgré qu’elle eût consenti, comme on l’a vu, à satisfaire les exigences de son époux, le reçut avec froideur.