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Page:Louis-d-elmont-l-inceste royal-1925.djvu/46

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hélas tout le fait prévoir, notre souverain Benoni XIV meurt de ses excès d’amour…

N’était-ce pas ce qui revenait de droit à cette sœur Marie-Anne, que je ne veux plus que vous appeliez jamais ma fille !

Le duc de Boulimie était certes de l’avis de Sigeberte, et il enrageait à la pensée qu’une autre que son enfant réaliserait peut-être un jour le rêve qu’il avait conçu, mais il conservait quand même une grande indulgence et son sentiment paternel se refusait à la condamnation définitive que prononçait son épouse à l’égard de celle que dame Sigeberte n’appelait plus dédaigneusement que « cette fille » ou la « sœur Marie-Anne ».

ix

Le sauveur


Le colonel Adhémar de Chamoisy était chargé, on le sait, de la mission de confiance de renseigner le roi sur la princesse Séraphine, mais lorsqu’il ne pouvait se rendre lui-même au couvent des Puritaines, il y dépêchait en son lieu et place son fils, le lieutenant Arnaud.

Et c’est ainsi que ce jeune officier fit la connaissance de la fille du duc de Boulimie. Celle-ci remarqua bien vite la belle prestance de l’envoyé du colonel des hallebardiers de la garde. Elle se prit à le considérer sympathiquement, tandis que de son côté, Arnaud, ému par la malchance qui s’était acharnée sur la belle princesse, sentit son cœur battre chaque jour un peu plus pour la pauvre recluse.

Dès lors, le moindre prétexte lui était bon pour se rendre au couvent où sa mère, la supérieure, était toujours heureuse de le recevoir et où la princesse l’accueillait sans déplaisir.

Un jour, Arnaud se dit :

— Je ne peux plus me mentir à moi-même. Je suis amoureux de Séraphine. Et il faudra que je lui avoue cet amour quoi qu’il puisse m’en coûter.

Je sais que je risque peut-être la destitution de mon grade, voire la prison pour jeter les yeux sur aussi noble demoiselle. Mais on ne résiste pas à l’élan de son cœur. La princesse est bonne, même si elle me repousse, elle ne me dénoncera pas. Et puis, tant pis, il en sera ce qu’il en sera !

Sa détermination était prise ; il parlerait à celle qu’il aimait.

Le lendemain, l’occasion lui était précisément donnée de se trouver seule avec la fille du duc de Boulimie, et il arriva, par un détour adroit, à lui tenir ce discours :

— Combien vous me faites peine, ô belle princesse, de vous voir toujours affligée ! Resterez-vous donc à jamais inconsolable de la mort ou de l’abandon du fils du sénéchal.