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Page:Louis-d-elmont-l-inceste royal-1925.djvu/47

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— Hélas ! gémit Séraphine, je suis fort à plaindre, et bien triste est mon sort. Je n’ai connu l’amour qu’un jour dans ma vie, et je dois l’expier cruellement.

— Est-il donc possible que douée comme vous l’êtes de grâce et de beauté, vous acceptez de ne plus entendre de douces paroles, de ne plus ressentir l’émoi de tendres caresses ?

— Cela est bien possible, messire, si le roi ne consent à me laisser sortir de ce maudit cloître où se fane ma beauté et s’étiole ma jeunesse.

— Mais c’est un crime contre la nature ! Tant de charmes ne peuvent se fiétrir dans l’isolement et la solitude. Et si je ne craignais pas de vous fâcher ou de vous causer de profond chagrin, je vous dirais bien ce que je pense de l’homme pour lequel vous vous sacrifiez ainsi.

— Dites-le donc, messire. Il ne faut jamais cacher ce que l’on pense.

— Oserai-je alors vous demander de ne point vous courroucer de mes paroles ?

— Je vous promets, quoi que vous me disiez, de ne pas vous en tenir rigueur.

— Ah ! Que vous êtes bonne ! Il y a longtemps que j’ai envie de vous dire cela.

Eh bien ! moi, je crois que si cet Hector de Vergenler vous eût vraiment aimée comme vous le croyez, vous ne seriez plus dans ce couvent. Un véritable chevalier ne laisse pas ainsi sa dame prisonnière.

Souvenez-vous du message que vous transmit mon père. Eh quoi ! Ce preux était vivant, et il acceptait qu’on le conduisit en un château éloigné en vous laissant ici. Si j’eusse été à sa place, je n’eusse certainement point agi de cette façon.

— Qu’eussiez-vous donc fait ?

— Songez que le voyage jusqu’au château de Vidorée dura six jours avec une faible escorte. Je sais, puisque j’étais de ceux qui accompagnèrent le fils du sénéchal, qu’il était facile durant une des haltes que nous faisions dans les forêts de s’enfuir et de revenir jusqu’ici. C’est ce que j’aurais fait, moi, si ma dame avait été retenue prisonnière. J’aurais brûlé les étapes pour arriver jusqu’à ce couvent, j’en aurais forcé l’entrée et je serais venu vous délivrer ou j’aurais péri les armes à la main. Mais j’ai confiance dans mon audace, je vous aurais certainement délivrée, et nous aurions fui ensemble.

Voilà, noble princesse, ce qu’eût accompli, à mon avis, un valeureux chevalier véritablement amoureux de sa dame…

Et puis, pour tout vous dire, je ne crois pas, moi, à la mort subite du fils du sénéchal. Je suppose bien plutôt que, d’accord avec son père, il a trouvé une retraite hors du royaume, en acceptant de ne plus jamais vous revoir et de passer pour mort…