Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/203

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brise d’est-sud-est ; mais l’Étoile, qui se trouvait encore sous la terre, ne la ressentit pas et demeura en calme. Je fis route néanmoins toutes voiles dehors pour reconnaître la terre d’ouest. À huit heures nous découvrions des terres dans tous les points de l’horizon, et nous paraissions enfermés dans un grand golfe. L’île de la Pentecôte venait rechercher au sud la nouvelle côte que nous avions découverte, et nous ne pouvions être assurés si elle en était détachée, ou si ce qui nous semblait former la séparation n’était pas une grande baie. Plusieurs endroits sur le reste de la côte nous offraient aussi l’apparence ou de passages ou de grands enfoncements ; un entre autres présentait dans l’ouest une ouverture considérable. Quelques pirogues traversaient d’une terre à l’autre. À dix heures, nous fûmes obligés de revirer sur l’île aux Lépreux. L’Étoile, qu’on n’apercevait plus, même du haut des mâts, y était toujours en calme, quoique la brise d’est-sud-est se soutînt au large. Nous courûmes sur cette flûte jusqu’à quatre heures du soir ; ce ne fut qu’alors qu’elle ressentit la brise. Il était trop tard, quand elle fut ralliée, pour songer à des reconnaissances. Ainsi la journée du 25 fut perdue ; nous passâmes la nuit sur les bords.

Les relèvements que nous fîmes le 26, au lever du soleil, nous apprirent que les courants nous avaient entraînés dans le sud, plusieurs milles au-delà de notre estime. L’île de la Pentecôte se montrait toujours séparée des terres du sud-ouest, mais la séparation était plus étroite. Nous découvrions plusieurs autres coupures à cette côte, mais sans pouvoir distinguer le nombre des îles de l’archipel qui nous environnait. La terre s’étendait à nos yeux depuis l’est-sud-est, en passant par le sud, jusqu’à l’ouest-nord-ouest du compas, et nous ne la voyions pas terminée. Je fis courir depuis le nord-ouest-quart-ouest en rondissant jusqu’à l’ouest, le long d’une belle côte couverte d’arbres sur laquelle il paraissait de grands espaces de terrain cultivés, soit qu’ils le fussent en effet, soit que ce fût un jeu de la nature. Le coup d’œil annonçait un pays riche ; les croupes de quelques montagnes pelées, et de couleur rouge en de certains endroits, semblaient même indiquer que leurs entrailles renfermaient