Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/261

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deux sous et demi. Ils prenaient aussi volontiers des couteaux à manches rouges. Ces insulaires venaient d’une peuplade considérable située sur les hauteurs de Button vis-à-vis notre mouillage, laquelle occupe cinq ou six croupes de montagnes. Le terrain y est partout défriché, séparé par des fossés et bien planté. Les habitations y sont, les unes ramassées en villages, les autres au milieu d’un champ entouré de haies. Ils cultivent le riz, le maïs, des patates, des ignames et d’autres racines. Nulle part nous n’avons mangé de bananes d’un goût aussi délicat. Ils ont aussi en abondance des cocos, des citrons, des pommes de mangles et des ananas. Tout ce peuple est fort basané, petit et laid. Leur langue, de même que celle des habitants des Moluques, est le malais, et leur religion celle de Mahomet. Ils paraissaient fins négociants, mais ils sont doux et de bonne foi. Ils nous proposèrent d’acheter des pièces de coton coloriées et fort grossières. Je leur montrai de la muscade et du clou, et je leur en demandai. Ils me répondirent qu’ils en avaient de secs dans leurs maisons et que, lorsqu’ils en voulaient, ils allaient en chercher à Céram ou aux environs de Banda, où ce n’est assurément pas les Hollandais qui les en fournissent. Ils me dirent qu’un grand navire de la Compagnie avait passé dans le détroit, il y avait environ dix jours.

Depuis le lever du soleil, le vent était faible et contraire, variant du sud au sud-ouest : j’appareillai à dix heures et demie au prime flot, et nous louvoyâmes bord sur bord sans faire beaucoup de chemin. À quatre heures après-midi, nous donnâmes dans un passage qui n’a pas plus de quatre milles de large. Il est formé, du côté de Button, par une pointe basse qui est fort saillante, et laisse à son nord un grand enfoncement dans lequel il y a trois îles ; du côté de Pangasini, par sept ou huit petits îlots couverts de bois, qui en sont au plus à un demi-quart de lieue. Dans un de nos bords, nous rangeâmes presque à portée de pistolet ces îlots, tout près desquels nous filâmes quinze brasses sans trouver de fond. La sonde nous avait donné dans le canal trente-cinq, trente, vingt-sept brasses fond de vase. Nous avions passé en dehors, c’est-à-dire dans l’ouest des trois îles dépendantes de la côte de Button. Elles sont assez considérables et peuplées.

La côte de Pangasini est ici élevée en amphithéâtre avec une