Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/262

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terre basse au pied, que je crois être souvent noyée. Je le conclus de ce que les insulaires ont leurs habitations sur la croupe des montagnes. Peut-être aussi, comme ils sont presque toujours en guerre avec leurs voisins, veulent-ils laisser une lisière de bois entre leurs foyers et les ennemis qui tenteraient des descentes. Il paraît même qu’ils se font redouter des habitants de Button, qui les traitent de forbans, auxquels on ne peut se fier. Aussi les uns et les autres portent-ils toujours le cric à leur ceinture. À huit heures du soir, le vent ayant manqué tout à fait, nous laissâmes tomber notre ancre à jet par trente-six brasses, fond de vase molle ; l’Étoile mouilla dans le nord et plus à terre. Nous venions ainsi de passer le premier goulet étroit.

Le 14, nous appareillâmes à huit heures du matin sous toutes voiles, la brise étant faible, et nous louvoyâmes jusqu’à midi, lorsqu’ayant vu un banc dans le sud-sud-ouest, je fis mouiller par vingt brasses, sable et vase, et j’envoyai un canot sonder autour du banc. Il vint dans la matinée plusieurs pirogues le long du bord, une entre autres qui portait à poupe pavillon hollandais déferlé. À son approche, toutes les autres se retirèrent pour lui faire place. C’était la voilure d’un orencaie ou chef. La Compagnie leur accorde son pavillon et le droit de le porter. À une heure après-midi, nous remîmes à la voile pour tâcher de gagner quelques lieues ; il n’y eut pas moyen, le vent étant trop faible et trop court ; nous perdîmes environ une demi-lieue, et à trois heures et demie nous remouillâmes par treize brasses fond de sable, vase, coquillage et corail.

Cependant M. le Corre, que j’avais envoyé dans le canot pour sonder entre le banc et la terre, revint et me fit le rapport suivant. Près du banc, il y a huit et neuf brasses d’eau ; à mesure qu’on se rapproche de la côte de Button, terre haute et escarpée par le travers d’une superbe baie, l’eau va toujours en augmentant, jusqu’à ce qu’on ne trouve plus de fond en filant quatre-vingts brasses de ligne, à peu près à mi-canal entre le banc et la terre. Par conséquent, si le calme prenait dans cette partie, il n’y a de mouillage que près du banc. Le fond au reste, dans ses environs, est d’une bonne qualité. Plusieurs autres bancs s’étendent entre celui-ci et la côte de Pangasini. On ne saurait donc trop recommander de hanter dans tout ce détroit la terre de Button. C’est le long de cette côte que sont les bons mouil-