Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/265

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Toute la journée les pirogues environnèrent les navires. Elles allaient et venaient comme à une foire, chargées de rafraîchissements, de curiosités et de pièces de coton. Le commerce se faisait sans nuire à la manœuvre. À quatre heures après-midi, le vent ayant rafraîchi et la mer étant presque étale, nous levâmes l’ancre, et avec tous nos bateaux devant la frégate nous donnâmes dans la passe, suivis de l’Étoile remorquée de même par les siens. À cinq heures et demie, le plus étroit était heureusement passé, et à six heures et demie nous mouillâmes en dehors dans la baie nommée baie de Button, sous le poste hollandais.

Reprenons la description de la passe. Quand on vient du nord, elle ne commence à s’ouvrir que lorsqu’on en est environ à un mille. Le premier objet qui frappe du côté de Button, est une roche détachée et minée par dessous, laquelle présente exactement l’image d’une galère tentée, dont la moitié de l’éperon serait emportée ; les arbustes qui la couvrent produisent l’effet de la tente ; de basse mer, la galère tient à la baie : lorsque la mer est haute, c’est un îlot. La terre de Button, médiocrement élevée dans cette partie, y est couverte de maisons et le rivage enclos de pêcheries. L’autre côté de la passe est coupé à pic. Sa pointe est reconnaissable par deux entailles qui forment deux étages dans le rocher. Lorsqu’on a dépassé la galère, les terres des deux bords sont entièrement escarpées, pendantes même en quelques endroits sur le canal. On croirait que le dieu de la mer, d’un coup de son trident, y ouvrit un passage à ses eaux amoncelées. Les côtes cependant offrent un aspect riant. Celle de Button est cultivée en amphithéâtre et garnie de cases dans tous les endroits qui ne sont point assez raides pour qu’un homme ne puisse pas y arriver. Celle de Pangasini, qui n’est qu’une roche presque vive, est toutefois couverte d’arbres ; mais on n’y voit que deux ou trois habitations.

À un mille et demi ou deux milles au nord de la passe, plus près de Button que de Pangasini, on trouve vingt, dix-huit, quinze, douze et dix brasses, fond de vase ; à mesure qu’on fait le sud, avançant en canal, le fond change, on trouve du sable et du corail par diverses profondeurs, depuis trente-cinq jusqu’à douze brasses, ensuite on perd le fond.

Le passage peut avoir une demi-lieue de longueur ; sa largeur varie