Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/61

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repassant les montagnes, on trouva un peu au-dessous de leur sommet une grande espèce de scolopendre ou de cétérac. Ses feuilles ne sont point ondées, mais faites comme des lames d’épée. Il se détache de la plante deux maîtresses tiges qui portent leur graine en-dessous comme les capillaires. On vit aussi sur les pierres une grande quantité de plantes friables, qui semblent tenir de la pierre et du végétal ; on pensa que ce pouvait être des lichens, mais on remit à un autre temps à éprouver si elles seraient de quelque utilité pour la teinture.

Quant aux plantes marines, elles étaient plutôt un objet incommode qu’utile. La mer est presque toute couverte de goémons dans le port, surtout près des côtes, dont les canots avaient de la peine à approcher ; ils ne rendent d’autre service que de rompre la lame lorsque la mer est grosse. On comptait en tirer un grand parti pour fumer les terres. Les marées nous apportaient plusieurs espèces de corallines très variées et des plus belles couleurs ; elles ont mérité une place dans les cabinets des curieux, ainsi que les éponges et les coquilles. Les éponges affectent toutes la figure des plantes ; elles sont ramifiées en tant de manières, qu’on a peine à croire qu’elles soient l’ouvrage d’insectes marins. D’ailleurs leur tissu est si serré et leurs fibres si délicates qu’on ne conçoit guère comment ces animaux peuvent s’y loger.

Les côtes des Malouines ont fourni aux cabinets plusieurs coquilles nouvelles. La plus précieuse est la poulette ou poulte. On reconnaît trois espèces de ces bivalves, parmi lesquelles celle qui est striée, n’avait jamais été vue, à ce qu’on dit, que dans l’état de fossile, ce qui peut servir de preuve à cette assertion que les coquilles fossiles trouvées à des niveaux beaucoup au-dessus de la mer ne sont point des jeux de la nature et du hasard, mais qu’elles ont été la demeure d’êtres vivants dans le temps que les terres étaient encore couvertes par les eaux. Avec cette coquille très commune, on trouve partout les lépas estimés par leurs belles couleurs, les buccins feuilletés et armés, les cames, les grandes moules unies et striées et de la plus belle nacre, etc.