ependant j’attendais vainement l’Étoile aux îles Malouines :
les mois de mars et d’avril s’étaient écoulés sans
que cette flûte y fût venue. Je ne pouvais entreprendre
de traverser l’Océan Pacifique avec ma seule frégate,
incapable de porter pour plus de six mois de vivres à son équipage.
J’attendis encore la flûte pendant tout mai. Voyant alors qu’il
ne me restait plus de vivres que pour deux mois, j’appareillai des
îles Malouines le 2 juin pour me rendre à Rio-Janeiro ; j’y avais
indiqué à M. de la Giraudais, commandant de l’Étoile, un point de
réunion dans le cas où des circonstances forcées l’empêcheraient de
venir me trouver aux îles Malouines.
Nous eûmes dans cette traversée un temps favorable ; le 20 juin après-midi, nous vîmes les hauts mornes de la côte du Brésil, et le 21, nous reconnûmes l’entrée de Rio-Janeiro. Il y avait le long de la côte plusieurs bateaux pêcheurs. Je fis mettre pavillon portugais ferlé, et tirer un coup de canon : sur ce signal, l’un des bateaux vint à bord, et j’y pris un pilote pour entrer dans la rade. Il nous fit ranger la côte à une demi-lieue des îles dont elle est bordée. Partout il y a beaucoup de fonds ; la côte est élevée, montueuse et couverte de bois ; elle est coupée en mondrains détachés et taillés à pic qui en rendent l’aspect très varié. À cinq heures et demie du soir, nous étions en dedans du fort Sainte-Croix, lequel nous héla, et en même temps il vint à bord un officier portugais nous demander les raisons de notre entrée. J’envoyai avec lui le chevalier de la Mote de Bournand pour en informer le comte d’Acunha, vice-roi du Brésil, et traiter du salut. À sept heures et demie nous mouillâmes dans la rade par huit brasses d’eau, fond de vase noire.