Page:Louis Antoine de Bougainville - Voyage de Bougainville autour du monde (années 1766, 1767, 1768 et 1769), raconté par lui-même, 1889.djvu/75

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Je m’étais aussi muni de quelques planches dont nous ne pouvions nous passer, et qu’on nous vendit en contrebande.

Enfin le 12, tout étant prêt, j’envoyai un officier prévenir le vice-roi que j’appareillerais au premier vent favorable. Je conseillai aussi à M. d’Etcheveri, commandant l’Étoile du matin, de ne s’arrêter à Rio-Janeiro que le moins qu’il pourrait, et d’employer plutôt le temps qui restait jusqu’à la saison favorable pour le passage du cap de Bonne-Espérance, à bien reconnaître les îles de Tristan d’Acunha, où il trouverait de l’eau, du bois, du poisson en abondance, et je lui donnai quelques mémoires que j’avais sur ces îles. J’ai su depuis qu’il avait suivi ce conseil, et j’ai conclu de ses observations qu’il m’a communiquées, qu’on peut y mouiller sans risque, y faire très aisément de l’eau et s’y ravitailler par l’abondance des morues et autres excellents poissons qu’il est très facile d’y pêcher. Il y a observé au mouillage trente-sept degrés vingt-quatre minutes de latitude australe.

Nous avions joui pendant notre séjour à Rio-Janeiro du printemps des poètes. La vue de cette baie donnera toujours le plaisir le plus vif aux voyageurs, surtout à ceux qui, comme nous, auront été longtemps privés de la vue des bois, des habitations, et qui auront vécu dans des climats où le calme et le soleil sont rares. Rien n’est plus riche que le coup d’œil des paysages qui s’offrent de toutes parts, et c’eût été pour nous une vraie satisfaction de jouir de cette charmante contrée. Ses habitants nous avaient témoigné, de la façon la plus honnête, le déplaisir que leur causaient les mauvais procédés de leur vice-roi à notre égard. Aussi regrettâmes-nous de ne pouvoir rester plus longtemps avec eux. Tant d’autres voyageurs ont décrit le Brésil et sa capitale, que je n’en dirais rien qui ne fût une répétition fastidieuse. Rio-Janeiro, conquis une fois par les armes de la France, lui est bien connu. Je me contenterai d’entrer ici dans quelques détails sur les richesses dont cette ville est le débouché, et sur les revenus que le roi de Portugal en tire. Je dirai d’abord que M. de Commerçon, savant naturaliste, embarqué sur l’Étoile pour suivre l’expédition, m’a assuré que ce pays était le plus riche en plantes