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du septième et du huitième siècle mentionnent d’une façon trop précise quelques-uns des principaux monuments d’Angcor, pour qu’on ne puisse pas considérer le règne de Kiao-tchen-jou, et de son successeur Tche-li-to-pa-mo, comme l’époque d’un développement architectural remarquable au Cambodge, et cette époque coïnciderait, à peu de chose près, avec la construction des premiers monuments connus de Java. Peut-être même ne faut-il faire remonter qu’à ce moment les temples les plus anciens du Cambodge : d’un caractère exclusivement brahmanique sous Kiao-tchen-jou, l’architecture cambodgienne revêtit sous ses successeurs ce double aspect bouddhique et brahmanique qui constitue une partie de son originalité.

En résumé, nous croyons que les cinquième et sixième siècles sont l’époque des grands rois dont la légende cambodgienne a conservé le souvenir sous les noms de Prea Ket Melea, de Prea Chum et de Prea Thomea Sorivong, et auxquels elle rapporte la construction d’Angcor Wat qui est probablement postérieure, l’avènement officiel du bouddhisme, prêché depuis sept ou huit siècles déjà dans la péninsule, et sorti vainqueur au Cambodge des persécutions qui lui étaient suscitées ailleurs, l’introduction de la littérature et de l’écriture pali. Le règne de ces princes coïncida avec un grand mouvement des peuples à l’intérieur de la péninsule. C’est à ce moment que les Thai niaï ou Laotiens du nord fondèrent la ville d’Haripounxai et envahirent le Kamboza birman qui fut dès lors séparé du Fou-nan. Le territoire soumis à l’autorité de Prea Thomea Sorivong ne s’étendit plus que sur la partie méridionale de la côte de Cochinchine, où se trouvent encore les ruines de tours dont on attribue la construction aux Khmers, sur le cours inférieur du Cambodge et du Menam, et sur la presqu’île de Malacca. Les annales de Xieng Mai mentionnent, en 578, l’avènement au trône de Labong de Yama, ou Zama Devi, fille du roi de Chandapur (Chandrapouri ou Vien Chan) et veuve du raja du Cambodge. On pourrait en conclure qu’à ce moment l’influence des Khmers restait considérable sur les États de Labong et de Vien Chan, avec lesquels ils étaient en paix. Les ruines que l’on trouve à Korat et à Bassac et qui sont certainement postérieures à Angcor Wat, prouvent que les frontières du nouveau royaume se sont longtemps encore étendues de ce côté jusque vers le seizième degré de latitude Nord.

La substitution du royaume de Tchin-la au royaume du Fou-nan est racontée d’une façon obscure et contradictoire dans les annales chinoises ; mais la description qu’elles font du nouveau royaume ne laisse, croyons-nous, aucun doute que le siège de cette civilisation, dont nous venons de voir les origines, ne soit resté le même.

« Le Tchin-la, disent les historiens chinois[1], est situé au sud-ouest du Lin-y et à 20,700 li de la cour impériale[2]. Le voyage par mer du Ji-nan au Tchin-la de-

    faite des monuments khmers. Les descriptions et les planches de cet ouvrage lui permettront peut-être, dans la nouvelle édition qu’il prépare de son livre : Tree and serpent’s Worship, de faire des rapprochements que m’interdit mon ignorance en architecture hindoue, et d’arriver à des conclusions plus satisfaisantes que les miennes.

  1. Consultez Yuen kien louy han, k. 234, fo 5 ; Hay koue thou tchi, k. 8, fo 14 ; Ta thsing y thoung tchi, k. 440 ; enfin la Description du Cambodge tirée du Pien y tien par Rémusat, p. 11 et suivantes. Il y a çà et là quelques variantes du sens adopté par ce dernier auteur.
  2. Cette distance est donnée par les historiens des Souy et des Thang. À cette époque, la cour de Chine