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mande 60 jours[1]. À l’est du Tchin-la est le royaume de Tche-kiou, à l’ouest, celui de Tchou-kiang, au nord-est, le pays de Tao-ming ; au nord, est Hoan-tcheou[2], à 500 li. Ce royaume occupe 7,000 li d’étendue. La chaleur y est grande, et l’on n’y connaît pas la neige et les frimas. À la cinquième ou à la sixième lune règne un vent pestilentiel[3]. Au nord se trouvent beaucoup de montagnes ; au sud, se trouve un grand lac, et le pays est plat et souvent inondé. Les productions du sol sont à peu près les mêmes que celles du Lin-y ; on y trouve des pierres précieuses, des parfums exquis, des chevaux de petite taille en très-grand nombre. Les habitants du Tchin-la sont petits et de couleur noire ; on voit cependant au milieu d’eux des femmes qui sont blanches. Ils marchent pieds nus et se couvrent le milieu du corps, les gens riches avec une étoffe de soie, les pauvres avec du coton. Ils portent les cheveux longs, les nouent sur le sommet de la tête et ont l’habitude de se parfumer le corps. Ce peuple est actif et robuste ; il fait grand cas de la science des lettres ; il se trouve dans son sein des hommes habiles en astronomie, qui savent prédire les éclipses de lune et de soleil. On ignore dans quels livres ils puisent cette science. Les maisons et les meubles de ce pays ressemblent beaucoup à ceux du royaume de Tchi-thou. Toutes les maisons sont tournées vers l’orient. Il y a dans le Tchin-la des édifices magnifiques. Le roi habite un palais immense, et on trouve dans son royaume plus de trente villes dont la population dépasse plusieurs milliers d’habitants, et à l’administration desquelles est préposé un gouverneur spécial[4]. »

« Ce pays a d’étroites alliances avec les pays de Thsan-pan et de Tchou-kiang ou de Piao[5] ; mais il est toujours en guerre avec le Lin-y et le roi Houan de Kien-tho-yuen ; aussi les habitants marchent-ils toujours armés. »

« Leurs lois et leurs mœurs sont semblables à celles du Lin-y. Tous les matins ils font des ablutions et se nettoient les dents avec un rameau de iong-tche[6]. Deux ou trois familles se réunissent pour creuser en commun une mare ; on s’y baigne sans distinction de sexe ; on se contente de cacher avec la main, en entrant dans l’eau, ce que la pudeur défend de laisser voir. La main gauche est considérée comme impure. Les femmes de toute condition se baignent dans le fleuve, devant tout le monde, sans attacher à cela la moindre honte. On coupe aux voleurs les pieds et les mains pour les empêcher de retomber dans

    résidait à Si-ngan fou dans le Chen-si. Les historiens des Thang, cités par le Hay koue thou tchi, placent à l’ouest du Tchin-la la mer Piao nan-pin.

  1. Il y a là évidemment une erreur de chiffres. C’est six jours qu’il faut lire, et non soixante.
  2. Les historiens des Song, postérieurs aux précédents, placent à l’ouest le royaume de Po-kai, au sud Kia lo-hi, à l’est la mer, au nord Tchen-tching (Lin-y). Hoan-tcheou est le pays désigné dans les annales annamites sous le nom de Xu-nghe. Il correspond à la province actuelle de Bo-chinh qui sépare le Tong-king de la Cochinchine proprement dite.
  3. Le choléra est endémique en Cochinchine et au Cambodge et se fait sentir aux mois d’avril et mai.
  4. Le Tchin-la est appelé quelquefois Ki-miei, qui peut venir, comme le pense Bastian, de Kamoi, nom donné aux premiers habitants du sol par les Cambodgiens modernes et qui aujourd’hui signifie « démon, mauvais esprit », dans presque tous les dialectes des tribus sauvages du Cambodge.
  5. C’est le royaume dans lequel M. d’Hervey a cru reconnaître le Cambodge. Voy. p. 102, note 1.
  6. Rémusat a traduit ces mots par « peuplier ». Je préfère laisser le mot chinois. On reconnaît ici l’usage auquel il est fait allusion dans la légende de Prea Thong et l’on en peut conclure une preuve nouvelle de l’identité du Fou-nan et du Tchin-la.